Racisme anti-Noir:
Dix traits qui font sa spécificité

Bullestress, geschrieben von Fatima Moumoni und Laurin Buser und inszeniert von Suna Gürler, verhandelt wie fünf junge Freund*innen, die durch ihre Leidenschaft zur Musik verbunden sind, mit einem Vorfall rassistischer Polizeigewalt in ihrem Freundeskreis umgehen. Der in internationalen Beziehungen promovierte Politikwissenschaftler Mutombo Kanyana hat für das Schauspielhaus Journal einen Artikel zu zehn Merkmalen von anti-Schwarzem Rassismus geschrieben. Der frühere Beauftragte des Antirassismus-Programms bei der UNESCO ist ein profilierter Experte für Fragen zu Rassismus und Diskriminierung. Ein Auszug seines Artikels ist ebenfalls in einer deutschen Version im Schauspielhaus Journal veröffentlicht. 


von Mutombo Kanyana
erschienen am 08. Februar 2022

Comme dans les pays façonnés par le racisme anti-Noir, «(…) en Amérique, la destruction du corps noir est une tradition - un héritage»[i]. Ces fortes paroles de l’écrivain africain-américain Ta-Nehisi Coates à son jeune fils, dans une longue lettre, résument tout l’enjeu du racisme anti-Noir dans sa spécificité historique et idéologique. Cet enjeu a pour matrice le corps Noir[ii]: un corps devenu captif, chosifié, soumis à la détestation et à sa destruction.

« I can’t breathe! ». Il voulait vivre … Ils l’ont tué!

25 mai 2020. Minneapolis (USA). Des passants filment dans une rue avec leur portable une scène banale américaine qui va devenir historique en enflammant en quelques heures réseaux sociaux et villes américaines, avant de se répandre dans le monde entier. La scène montre quatre policiers Blancs s’affairant autour d’un Noir, George Floyd (46 ans), soupçonné d’avoir écoulé un faux billet de USD 20. Plaqué au sol sur le ventre, ce dernier est immobilisé par un policier qui l’étrangle avec son genou pressé sur le cou. Il pousse des râles: « Please I can’t breathe »! Des passants implorent les policiers de lâcher prise. Sans succès. Emmené à l’hôpital, George Floyd y serait décédé. L’autopsie conclura à un homicide provoqué par une longue pression du genou sur le cou.

Survenue dans des conditions odieuses, la mort filmée de George Floyd va susciter une colère planétaire, multicolore et pas seulement Noire. L’embrasement gagnera toute la planète, y compris la Suisse. Lausanne, Neuchâtel, Zürich, Genève connaîtront des manifestations monstres. Par sa mort, George Floyd a malgré tout permis de relancer avec une détermination renouvelée le combat contre les surgissements - au moins - du Suprématisme Blanc aux Etats-Unis, grâce à sa dynamique inclusive autour des valeurs de respect de la Dignité humaine et de Justice. « Tu as changé le monde » a résumé le vieil activiste africain-américain Al Sharpton, dans son oraison funèbre, le 4 juin 2020. D’autres « George Floyd », ignorés par les pouvoirs suprématistes, ont pu resurgir ici et là: en France (ex. Lamine Dieng, Adama Traoré, etc.), en Suisse (Nzoy Roger Wilhelm, Mike Ben Peter, Hervé Mandundu, Samson Chukwu, etc.)[iii] etc. Partout dans le monde résonne désormais encore plus fort: « BlacK Lives Matter »! (BLM). Thank you George Floyd?

Thank you Trump! Considéré à tort ou à raison comme l’incarnation au pouvoir du Suprématisme Blanc, l’ex-président Donald Trump a joué un rôle déterminant comme accélérateur de la dynamique BLM. Très populaire dans une frange importante de la population américaine, il fallait éviter sa réélection. Parti démocrate et forces antiracistes se sont retrouvés dans une large coalition objective anti-Trump à laquelle se sont joints des médias mainstream américains avec leurs relais à l’étranger. Indifférents en général aux drames du racisme anti-Noir dans leur périmètre, les médias européens se sont ainsi retrouvés à donner du retentissement à la dénonciation des faits de racisme anti-Noir aux USA et ailleurs dans le monde. En Suisse, on n’a jamais assisté à autant d’articles de presse, de passages sur les antennes de radio ou sur les plateaux télés ou encore des manifestations antiracistes largement relayées et mettant en lumière des visages également Noirs.

Par ailleurs, comme si, à la destruction du corps (physique) de George Floyd, devait correspondre d’autres destructions de corps (symboliques), les villes européennes ont également resonner de bruits de démantèlement de statues représentant dans ces espaces un héritage colonial ou esclavagiste. Des statues glorifiant par exemple le naturaliste Carl Vogt à Genève ou le négrier David de Pury à Neuchâtel se sont trouvés pris dans le collimateur de pétitions réclamant leur déboulonnement. Des groupes de travail mis en place dans la foulée produisent déjà quelques résultats tangibles: mise au concours à Neuchâtel d’un monument bis à ériger à côté de celui de De Pury, selon nos recommandations anti-déboulonnages[iv]; en Ville de Genève, le groupe de travail (dont font partie Collectif Afro-Swiss, CRAN/Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir et UPAF/Université populaire africaine en Suisse) a fait procéder à l’inventaire de tous les monuments et autres signes pouvant poser problème dans l’espace public, avant d’envisager des actions appropriées; le CRAN et l’UPAF viennent d’introduire, à la suite d’une pétition lancée en juillet 2021, une demande faire ériger un Mémorial Noir consacré à l’esclavage et à la colonisation dans la Genève internationale; en mai 2021, une motion socialiste a été votée par le Conseil municipal genevois pour un monument rappelant la présence à Genève d’un zoo humain, un «Village Nègre» de triste mémoire, qui a façonné bien d’esprits racistes; etc.

Bref, un Effet George Floyd & BLM redynamise actuellement des initiatives en faveur de la Mémoire Noire, prenant en compte le combat contre les injustices institutionnalisées faites aux Noirs depuis des siècles.

Questions liminaires sémantiques

Le racisme anti-Noir est une forme spécifique de racisme, tout comme l'antisémitisme ou l'islamophobie. Si dix traits peuvent être dégagés quant à sa spécificité, il s’agit du racisme le plus déroutant et le plus controversé sur le plan sémantique notamment.

D’abord, à propos du terme « Noir ». D’autres lui préfèrent, malgré des limites intrinsèques, les termes suivants:

  • Africain (trop large malgré tout, car il inclut le Nord-Africain ou le Blanc sud-Africain, populations épargnées par le racisme anti-Noir);
  • Personne d’ascendance africaine (il n’est pas précisé toutefois à partir de combien de générations on est « Afro-descendant », puisque toute l’humanité vient d’Afrique);
  • Personne de couleur (terme colonial, raciste, car même le Blanc a une couleur);
  • Métis (désigne spécifiquement une personne issue d’un mélange « racial », ex. entre Blanc et Noire; le mot Noir est en général inclusif de ce terme restrictif);
  • Personne racisée (que l’on appartienne à la race supérieure ou inférieure, tout le monde est racisé par les racistes);
  • Black (très réducteur mais gratifiant, car il évoque Noir américain positif, jazz, hip-hop, etc.);
  • Kamite (terme tautologique signifiant Noir, référence à l’excellence de l’Egypte antique);
  • Etc.

Dans le présent article et dans un but de simplification face à cette diversité sémantique, nous faisons le choix du terme « Noir ». Il vise principalement les communautés Noires dans leur spécificité historico-culturelle, à savoir les Négro-Africains et/ou les personnes d’origine négro-africaine hors du continent africain: Africains-Américains, Afro-Antillais, Afro-Latino-Américains, ainsi que métis négro-américains, négro-européens, négro-asiatiques, etc. Ces personnes Noires présentent la caractéristique de partager notamment, de manière continue, une matrice phénotypique, historique et culturelle largement commune, en dépit d’une diversité réelle.

Certes, le terme « Noir » projette en général une connotation négative et qui fait éloigner nombre de Noirs de ses constructions dévalorisantes. Pourtant, les anciens Egyptiens ont été les premiers concepteurs de ce terme, en se désignant eux-mêmes « Kamites » ou « Kemites », c’est-à-dire « Ceux qui sont de la couleur du charbon ». A cette époque, « Noir » était synonyme d’excellence, de spiritualité sophistiquée et de savoirs scientifiques en avance sur les autres peuples. Cette excellence est toujours à la portée des Noirs stigmatisés d’aujourd’hui. Du reste, selon les contextes (ex. Black History Month, « athlète Noir », etc,), « Noir » peut être valorisant. C’est pourquoi, plutôt que de combattre le mot « Noir » avec ses constructions actuelles, mieux vaut le déconstruire et reconstruire un nouveau « Noir », habité autrement, par l’excellence Kamite.

A propos de l’expression « racisme anti-Noir ». Ici aussi la controverse est très présente. Parce qu’allergiques au mot « Noir » ou tout simplement à cause de la charge historique et émotive de ce mot, certains préfèrent des expressions plus soft, à notre avis, comme Afrophobie (adoptée par ONGs et gouvernements de l’Union européenne …) ou Négrophobie, qui assimilent le racisme, une idéologie, à une phobie, sentiment ou attitude de peur ou rejet envers toute entité donnée (ex. xénophobie, russophobie, homophobie, islamophobie, etc.). Certes composante du racisme anti-Noir, l’Afrophobie ne peut ni le traduire ni le remplacer. Celui-ci a une racine historique et est motivé et sous-tendu par un esprit criminel: le crime racial, en lien également avec le Code noir qui a fait du Noir un être criminel par définition, par son seul faciès.

Cela dit, il est fondamental de revisiter tous ces termes et concepts afin de mieux les déconstruire ensuite. C’est ce à quoi s’est attelé le CRAN, première organisation à introduire en Suisse et à thématiser la spécificité Noire. En effet, dès 2000, en vue de la participation de ses représentants à l’historique Conférence mondiale sur le racisme (Durban, 2001), le CRAN a fait inscrire les terminologies « Noir » et « racisme anti-Noir » dans le champ de la lutte contre le racisme en Suisse et sur les plans européen et international. La création de l'UPAF en 2008, à Genève, a complété cette dynamique en dotant le racisme anti-Noir d’un relais pédagogique pour sensibiliser écoles, institutions et toutes personnes ou entités intéressées.

Ayant été à l’origine de la création du CRAN comme de l’UPAF, c’est donc à partir de nos recherches, expériences et réflexions que nous dégageons les dix spécificités suivantes et non-exhaustives qui marquent - et définissent en quelque sorte - le racisme anti-Noir[v]:

C’est un racisme marqué par son antériorité et sa primauté

Le racisme anti-Noir serait-il le racisme premier? Idéologie jugeant certaines races intrinsèquement supérieures ou inférieures à d'autres, le racisme s’est d’abord nourri de mythes dans sa construction. La Malédiction de Cham, développée dans les exégèses de la Bible, en a constitué le mythe fondateur[vi]. Des jalons y avaient déjà amorcé un processus de racialisation des peuples: au sortir du déluge, Noé devient le patriarche de l’humanité et ses trois fils représenteront les trois grands groupes de peuples d’alors (Sem pour les Sémites, Japhet pour les Européens et Cham pour les Noirs). Certes, la Bible n’établit aucune hiérarchisation. Néanmoins, seule la descendance de Cham sera maudite, condamnée à la servitude éternelle, au profit des descendants de Sem et Japhet. Bien avant les théories pseudo-scientifiques, ce mythe servira à justifier la négrophobie des Juifs - notamment contre les Kushites ou Noirs dans des écrits rabbiniques, comme le démontre l’épisode raciste contre Tsipporah la Noire, l’épouse et « assistante » de Moïse[vii]. Elle servira ensuite à justifier la traite négrière, d’abord arabe (dès le 7e siècle), générant les premiers stéréotypes anti-Noirs, puis européenne (dès le 15e siècle), développant un racisme idéologique.

Lorsqu’apparaissent au 18e siècle les théories racistes européennes qui vont « scientifiquement » hiérarchiser les « races » humaines, c’est la « race » Noire qui va naturellement servir de cobaye pour valoriser la « race » par excellence, les Blancs. A partir de ce moment, Blancs et Noirs vont composer un solide binôme qui sera la clé de voute de l’architecture des constructions racistes. Le prisme du racisme anti-Noir devient la norme.

Toutefois, la primauté objective du racisme anti-Noir semble être plutôt un leurre. Dans la vie réelle il s’agit très souvent et quasi systématiquement du dernier des racismes: Black Lives & Dignity & Images & interests, etc. don’t matter. Normal: frappant des personnes considérées comme inférieures, le racisme anti-Noir ne peut qu’être un racisme inférieur. Il suffit pour s’en convaincre de comparer les échos des actes de racisme anti-Noir comparés à ceux relevant de l’antisémitisme ou de l’islamophobie par exemple.

Un racisme avec Certification divine

Prononcée par Noé, « élu de Dieu », la Malédiction de Cham sera considérée comme d’essence divine. Mythographie du « peuple élu » (par Dieu) et ouvrage dépositaire du mythe fondateur du racisme anti-Noir, la Bible (Ancien Testament plus exactement) n’indique pas qu’il s’agit d’une malédiction raciale. Cette caractéristique sera affirmée dans les exégèses juives (ex. Talmud, Middrach), chrétiennes (textes des Pères de l’Eglise, Origène et St Ambroise) ou islamiques (cfr écrits d’Ibn Khaldun). La généalogie des peuples y est partout présentée en fonction de la répartition du monde en trois « races » établie par les récits sur Noé. Depuis, la Malédiction est devenue parole divine héréditaire[viii].

Il s’agirait là d’une véritable certification par Dieu lui-même, présentée comme telle aux Africains lors de leur évangélisation et islamisation. Elle justifiera la destruction de la spiritualité des Africains et des pans entiers de leurs civilisations. Les répercussions historiques de ces élucubrations seront désastreuses pour des Noirs à qui Dieu n’avait daigné communiquer le même message fondamental sur la dépréciation et la destruction annoncées de leur corps, pour un destin d’esclavage éternel.

C’est ainsi qu’en Afrique Noire, Bilal est un prénom pestiféré bien qu’appartenant à un prince éthiopien devenu compagnon de Mahomet. Chargé de conduire la prière en raison de sa mémoire phénoménale et premier muezzin - voire co-fondateur - de l’Islam, il a été transformé par l’historiographie en esclave affranchi par le prophète[ix]. Les Africains musulmans évitent soigneusement ce rare prénom islamique d’origine africaine afin sans doute de ne pas incarner doublement l’esclave Noir descendant de Cham. Il en est de même du nom de l’épouse de Moïse, la Noire Tsipporah. Il est quasi-introuvable chez les chrétiens Noirs, pourtant beaucoup baptisés avec des prénoms bibliques.

Un racisme universel

Le Noir est sans doute, avec le Juif, le seul être de la terre que tout le monde prétend connaître. Tant les stéréotypes à travers lesquels on réduit son identité sont mondialement partagés, imprégnant les imaginaires aux quatre coins du monde. Le racisme anti-Noir précède en effet le Noir où qu’il aille sur la planète. Cette perception du Noir hors du temps et de l’espace n’est pas casuelle. L’universalisation du Mythe de la Malédiction partagé par les trois religions bibliques (Judaïsme et surtout Islam et Christianisme) qui ont façonné le plus les mentalités dans le monde, y est pour beaucoup.

La stigmatisation originelle des Noirs n’en est pas en effet restée aux seuls temps bibliques ni au seul hémisphère moyen-oriental. En Occident, deux figures seront particulièrement emblématiques: Joseph de Gobineau (1816-1882), auteur d’un ouvrage qui a constitué une transmission patrimoniale majeure ayant nourri et forgé le conscient collectif des Occidentaux, et le philosophe allemand Hegel (1770-1831) qui a profondément marqué la pensée occidentale avec son concept de Nègre irrémédiablement « primitif », car « vivant dans un état de sauvagerie et de barbarie qui l'empêche de faire partie intégrante de la civilisation »[x]. L’occidentalisation du monde, par la colonisation et d’autres vecteurs d’hégémonisme (ex. cinéma, littérature, jeux vidéos, etc.) fera le reste. L’islamisation missionnaire, toujours présente, œuvre aussi à universaliser le racisme anti-Noir.

La Chine n’a pas eu de colonies africaines. Elle ne s’est pas non plus illustrée par des razzias négrières. Mais, elle a su très vite trouver ses marques, dans les années 1960-1980, face aux milliers d’étudiants africains bénéficiant des bourses gracieusement offertes par le régime maoïste au nom de l’amitié des peuples et de la solidarité tiers-mondiste. Les étudiants mâles subissaient régulièrement des pogromes dès qu’ils étaient surpris avec des filles chinoises. Se référant au même registre bestiaire occidental assimilant les Noirs à l’animalité, les Chinois sont encore aujourd’hui enfermés dans ces représentations éculées et actuelles à la fois. Bien avant la vague pandémique, en octobre 2017, un musée de Wuhan a lancé une exposition portant un titre à la fois ambitieux et pédagogique: « Voici l’Afrique ». Composée de 150 photos prises par un photographe chinois qui « aime beaucoup l’Afrique » à tel point qu’il a voulu absolument « montrer l’harmonie entre l’homme et l’animal en Afrique », selon le conservateur du musée[xi]. Les Africains y partageaient évidemment mimiques et autres postures bien expressives avec les animaux. En raison de la colère et des protestations suscitées sur le continent africain, par l’emballement des réseaux sociaux, et craignant pour leurs juteux investissements, les autorités chinoises ont vite fait de faire retirer ces trop compromettantes photos.

Un racisme marqué par des crimes historiques contre l’humanité Noire

Le racisme anti-Noir, c’est deux crimes majeurs contre l’humanité, deux holocaustes distincts.

D’abord, les razzias, la déportation et l’esclavage. Débutés par les Arabes au 7e siècle, c’est-à-dire depuis quatorze siècles, ils se poursuivent jusqu’à nos jours, en Mauritanie et au Soudan notamment. En novembre 2017, un reportage de CNN révélait au monde ce qui n’était qu’un secret de polichinelle dans les milieux humanitaires, à savoir la résurgence dans des pays arabes, en particulier dans la Libye post-Kadhafi, des pratiques de commerce et d’esclavagisme de Noirs, mis aux enchères comme du bétail, comme jadis. Ces pratiques qui semblent ne jamais avoir disparu avaient déjà fait l’objet d’alertes de la part d’ONG et d’ex-victimes. En vain. Cette fois, grâce à la magie de CNN, conjuguée au retentissement assuré par les réseaux sociaux, la résonance a été forte. Prises de position officielles, mobilisations à travers de manifestations planétaires, l’émotion a été vive, à son comble. Mais on avait oublié cet atavisme: en arabe Abid désigne le Noir et l’esclave. La pratique détectée en Libye continue, loin des médias.

Ce premier Holocauste Noir va s’intensifiera par l’entrée en lice de l’Occident chrétien qui va lui donner, dès le 15e siècle, un caractère plus industriel, massif et génocidaire. Car, qu’elle soit transatlantique, trans-saharienne ou trans-Océan Indien, et quelque soient les plus-values dégagées par Arabes et Européens, cet holocauste sera fatal au continent pour longtemps.

A l’hémorragie des meilleurs éléments déportés ou décimés par les razzias meurtrières et les conditions inhumaines de marches dans le désert ou de traversée des mers, s’ajouteront de multiples effets directs et indirects: dépeuplement monstre, développement sans précédent des famines et maladies, multiplication des conflits internes transformant déjà le continent en un permanent champ de guerres, etc. Grâce à un travail minutieux, la géographe Louise-Marie Diop-Maes (veuve Cheikh Anta Diop), a ainsi estimé à 400 millions de morts l’effondrement démographique de l’Afrique Noire entre 1750 et 1850, période où « la population n’était plus que le tiers (ou peut-être le quart) de ce qu’elle avait été fin XVe-XVIe siècle »[xii]. Un méga-Holocauste. A l’inverse, la main d’œuvre Noire massive, forcée et gratuite va définitivement placer l’Occident sur l’orbite de l’enrichissement par paupérisation de l’Afrique essentiellement.

Car, après la traite négrière et la mise en esclavage de millions de Noirs, l’Afrique va subir un second Holocauste avec la sanglante conquête et exploitation coloniales. Dépecé et partagé entre puissances européennes voraces, le continent verra immoler des millions de vies africaines qui leur permettront de s’approprier gratuitement pendant près d’un siècle des matières premières vitales, consolidant leur prospérité. Car, dans le but de s’assurer une totale mainmise et une soumission garante d’une exploitation sans entraves, les colonisateurs vont faire déferler une nouvelle violence génocidaire après celle de l’esclavage et inconnue des Africains avant de rencontrer le Blanc esclavagiste. L’ouvrage puissant de l’Afro-colombienne Rosa-Amelia Plumelle-Uribe, La férocité blanche[xiii] offre à cet égard un réquisitoire implacable. Ainsi, au Congo belge, la plus riche des colonies, les appétits économiques surdimensionnés du Roi des Belges Léopold II vont générer un génocide d’au moins dix millions de morts[xiv]. En Namibie, les Allemands décimeront atrocement Hérero et Nama, coupables également de résistance. Etc. Etc.

Toutefois, seul le premier Holocauste Noir sera reconnu « crime contre l’humanité » par la communauté internationale et « il aurait toujours dû en être ainsi »[xv], aux termes de la Conférence mondiale sur le racisme (Durban, Afrique du Sud, 2001).

Le marquage visible des victimes

Le racisme relève d’abord du visuel. A cet égard, par sa visibilité évidente, le Noir offre un marqueur sans pareil, comme l’a démontré J.H. Griffin avec son ouvrage de référence Dans la peau d’un Noir[xvi]. Evoluant dans un univers américain, ce Blanc déguisé en Noir a pu expérimenter notamment « l’œil haineux » du Blanc et être maintenu à distance, regardé sans être vu ou d’emblée traité avec mépris ou condescendance. Sa conclusion : « Ils (les Blancs) ne me jugeaient d’après aucune autre qualité. Ma peau était sombre. La raison était suffisante pour qu’ils me privent de ces droits et de ces libertés sans lesquelles la vie perd sa signification et devient juste une survivance animale »[xvii]. Identifié de visu, le Noir peut être stigmatisé, accusé, jugé et condamné (délit de faciès) sans que soient mises en avant d’autres considérations. Incarnant l’étranger visible, il sera le bouc-émissaire désigné de toute flambée xénophobe.

Par ailleurs, au moyen du visuel, le regard raciste peut amplifier ou atténuer celui-ci à sa guise. C’est le jeu des phénomènes sub/supraliminaux que produisent les médias afin de construire l’invisibilité ou visibilité du Noir: réduction du temps d’exposition de son image lorsque celle-ci est valorisante; à l’inverse ce temps sera plus long lorsque cette image sera dégradante[xviii]. Les images de Mandela ou Obama n’effacent jamais celles, plus fréquentes, des dictateurs et autres rois africains sanguinaires et corrompus. Ou encore, les images des 4000 morts du 11 septembre 2001 ne montrent - de loin - que des corps tombant des fenêtres, alors que celles du génocide rwandais nous exhibent copieusement des corps jonchant le sol ou flottant dans des rivières, balayés lentement en close-up par la caméra et exhibant l’animalité de leurs atroces boursouflures.

Singes dans l’arène ou Zoos humains modernes? Dans une relative mesure, les arênes sportives sont sans doute aujourd’hui, plus que jamais, des lieux privilégiés où sont visibilisés des Noir-bêtes-de-cirque se donnant en spectacle. Ils ont beau évoluer à côté ou mêlés à d’autres humains non-Noirs, ils restent différemment perçus dans le regard persistant de certains Blancs. Un exemple parmi des milliers de manifestations du genre: en janvier 2018, au cours d’un match de football à Cagliari, en Italie, l’équipe locale à la Juventus de Turin. Des cris de singes avec jets de bananes ont commencé à accompagner les évolutions de l'international franco-congolais de la Juventus, Blaise Matuidi, et de son coéquipier Noir Moïse Kean, invectivés par les supporters de l’équipe adverse dans l’indifférence totale de l’arbitre pourtant alerté par les deux joueurs. Une année plus tard, en avril 2019, rebelotte lors d’un nouveau match dans la même ville. Cette fois, la Commission de discipline agira: pas de sanction contre Cagliari, parce que les singeries proférées n’avaient eu qu’une incidence « limitée » sur le match « en termes de durée et de perception »[xix]. Ces phénomènes de stades sont particulièrement récurrents en Italie. Dans d’autres pays on se retient juste de donner libre cours à des pensées racistes bien présentes.

Le marquage indélébile des victimes

Si Griffith a été traumatisé par son expérience d’immersion dans la réalité du Noir, il a pu au moins en réchapper et revenir à sa normalité: son état d’homme Blanc préservé de toute discrimination raciale sur la base de ses seules caractéristiques extérieures. Par contre, en dépit de tous ses efforts, le Noir reste Noir, avec ce que cela implique en stigmatisations et rejets permanents, indéracinables, attachés à son être. Les tentatives de Michael Jackson visant à gommer ses signes distinctifs négroïdes n’ont pas été seulement vouées à l’échec. Elles ont aussi débouché sur un résultat grotesque. Un désastre.

Un Arabe, un Rom ou un Juif peuvent réussir à se fondre dans les sociétés racistes Blanches, occidentales ou orientales et ne plus être victimes de préjugés racistes. Les signes distinctifs d’un Noir étant impossibles à gommer, les préjugés à son encontre le sont également. Un Noir reste un Noir, malgré toute l’assimilation dont il peut faire preuve et toutes les dissimulations qu’il peut tenter. Préjugés et représentations dont il est victime ne sont gommables que dans le regard et les perceptions de l’Autre, l’auteur. Pas autrement. Même Barack Obama, pourtant à la tête de la première puissance mondiale, ou Christiane Taubira, alors ministre de la Justice en France, ont été sans ménagement portraiturés en singes, lors de manifestations de rue notamment.

Eternel Coolest Monkeys of the jungle? En janvier 2018, la multinationale H&M sortait l’image du singe des arènes pour l’exhiber sur sa nouvelle ligne de sweat-shirts. Porté par un innocent enfant Noir et arborant l’inscription "Coolest Monkey of the jungle" (le singe le plus cool de la jungle), un sweat-shirt allait embraser le monde, en particulier le Monde Noir. Des filiales sud-africaines furent brûlées, d’autres fermées durant plusieurs semaines. Pourtant, le graphisme avait parcouru toute la chaîne de production publicitaire, sans qu’aucune alerte interne n’intervienne, par le jeu d’un consensus naturel. Même en dépit de son assimilation totale, voire malgré de hautes fonctions assumées (pour Obama et Taubira), le Noir est et reste, au mieux, un "Coolest Monkey".

Il s’agit là d’un paramètre biologique qui échappe complètement au contrôle de la victime. Elle y reste enfermée ad aeternam[xx].

Un racisme marqué par l’attribution systématique d’une valeur négative au Noir et d’une valeur positive au Blanc

Le Noir c’est celui qu’on ne décline qu’en négatif. Systémiquement. C’est ce qu’expriment de nombreuses langues des sociétés judéo-chrétiennes ou arabo-musulmanes, en particulier. Dès le 8e siècle déjà, le mot arabe « aabd » (pl. aabid) qui signifiait esclave est devenu synonyme de « Noir ». Quant aux langues européennes, elles véhiculent encore plus systématiquement, à travers le mot "noir", tout ce qui revêt une valeur négative, les images les plus dévalorisantes et les plus avilissantes qui servent toujours à identifier le Noir.

Les dictionnaires français, par exemple, restituent ainsi le « noir »: « couleur la plus foncée par opposition au blanc et aux autres couleurs; qui, pouvant être blanc et propre, se trouve sali; qui est privé de lumière, plongé dans l'obscurité, les ténèbres; assombri par la mélancolie, triste, funèbre; marqué par le mal, méchant, atroce; clandestin, illégal; etc. ». Le contraire? C’est évidemment le blanc, c’est-à-dire ce qui est: « clair, immaculé, propre, pur, non-coupable, optimiste », etc. Avec quelques exceptions toutefois: avoir un blanc, chiffres noirs (des statistiques financières), etc. Du reste, deux des textes fondateurs de l’Occident, l’Illiade et l’Odyssée du grec Homère, présentent le « noir » comme symbole du mal, du deuil, de la tristesse, du malheur, de la honte, de la dépravation, bref de tout ce qui est négatif.

En définitive, dans cette perspective, le racisme c’est aussi la volonté de faire refléter en l’autre ce qu’on veut refouler ou ne pas voir en nous. En psychologie et psychanalyse, un profil y correspond. C’est celui du « Manipulateur pervers » ou « Pervers narcissique » décrits par Marie-France Hirigoyen comme « des psychotiques sans symptômes, qui trouvent leur équilibre en déchargeant sur un autre la douleur qu'ils ressentent et les contradictions internes qu'ils refusent de percevoir.(...) Ce transfert de douleur leur permet de se valoriser aux dépens d'autrui »[xxi]. Porteurs d’un vide intérieur et affectif, chroniquement insatisfaits dans une société hyper-castratrice, ces individus seraient des prédateurs sans aucune humanité et souvent tentés, pour s’affirmer, de projeter sur l’autre leur auto-détestation, au besoin en l’humiliant et en l’avilissant.

Renversement de rôles et de valeurs? Le Système raciste Blanc opère de la même manière, en s’attribuant un faux rôle « civilisateur » là où il ne va véritablement déployer que férocité et obscurentisme. Terre gouvernée jusque-là par l’éthique Ubuntu, jamais l’Afrique n’avait expérimenté pareille dérive civilisationnelle. Figé à son corps défendant et à son détriment dans une posture dichotomique, le Noir se retrouve à tendre continuellement au Blanc un miroir privilégié. Ce dernier peut à loisir s’y refléter très positivement en y projetant par des artifices une image du Noir construite négativement à dessein. Ce transfert d’une image très positive de soi a permis au Blanc, par la mystification, de se survaloriser en allant jusqu’à s’assigner une « mission civilisatrice » ciblant uniquement les Noirs. La destruction systématique du Sacré en a été le catalyseur: bois sacrés (lieux de culte africains) brûlés ou laissant la place à des plantations pour l’économie coloniale, objets de culte saccagés ou emportés en Europe comme des trophées de guerre pour orner les nouveaux « musées ethnographiques » ou les salons de collectionneurs. Le résultat de cette « mission civilisatrice » est mortifère: devant son Sacré apparemment vaincu par l’homme Blanc, l’homme Noir est devenu, plus que toute autre personne dans le monde, un être doutant constamment de lui-même, de ses capacités, de son génie créateur, avec une confiance en lui-même laminée, malgré la sagesse que lui inspire encore ses Ancêtres quand il ne s’en détourne pas trop.

Manipulateur et pervers, le prisme réducteur du Système raciste s’évertue ainsi, encore aujourd’hui, à figer dans des postures dichotomiques binaires, un Noir fallacieusement « noirci » dans sa construction, face à un Blanc artificiellement « blanchi » dans sa propre construction:

• Le Noir, malgré ses richesses considérables, incarne désormais le « Pauvre » face au « Riche », le Blanc prédateur qui est plutôt enrichi en paupérisant continuellement le Noir

• Il est devenu ce primitif à « infantiliser » par un Blanc forcément « paternaliste »

• Etre animal, il n’est qu’ « émotivité », comparé à la « rationalité » du Blanc

• Il est régulièrement réduit au rôle de « conteur » ou de « témoin » juste capable de raconter ses réalités, à côté d’un Blanc investi « analyste », « spécialiste », seul capable d’expliquer ces réalités

• Non-civilisé, il ne possède qu’un « folklore » au contraire du Blanc qui possède la « Culture »; et il n’est capable que de « Tradition orale » face à la « Tradition de l’écrit » du Blanc.

• Les « Matières premières » de l’un et les « Produits finis » de l’autre semblent rester à leur image: le Noir serait un « être brut », à côté du Blanc « être accompli et parfait ».

Etc. Etc.

Un racisme marqué par des « Combats Noirs - Héros Blancs »

Autre imposture? La Mémoire de la Shoah n’a jamais élevé au même diapason les victimes juives et les « Justes » européens qui ont sauvé plusieurs Juifs du génocide. Mais quand il s’agit de Mémoire Noire, les projecteurs seront dirigés principalement sur les « amis des Noirs ». Comme si le miroir auto-valorisant plaqué par l’homme Blanc sur le Noir ne suffisait pas, il faut en plus arracher au Noir ses faits d’arme et victoires propres. Car, selon un Code Noir non-dit, le Noir n’est pas autorisé à se libérer tout seul. On le libère ou on l’aide à se libérer. Celui qui s’en affranchit est combattu impitoyablement et doublement (par le maître et par ses alliés Blancs).

Haïti punie. Pour n’avoir pas respecté ce code non-dit, allant même jusqu’à infliger au maître une défaite historique, en taillant en pièces l’armée napoléonienne, la plus prestigieuse du monde d’alors, les Haïtiens continuent à en payer le prix, à être punis de multiples manières. Au nombre deses « punitions », la première république Noire sera obligée d’indemniser les propriétaires Blancs ayant perdu leurs esclaves libérés par la Révolution haïtienne. La reconnaissance de son indépendance par la très Blanche « communauté internationale » d’alors, composée d’Etats esclavagiste dans leur quasi-totalité, était à ce prix: le paiement à la France de 150 millions de francs-or (soit 17 milliards USD actuels), plombant ainsi pour longtemps le développement de ce pays dès ses premiers pas[xxii]. Payée à partir de 1825, cette dette odieuse sera remboursée jusque dans les années 1950.

Aux Antilles, les mêmes tentatives d’auto-libération feront passer au second plan des figures Noires au profit d’un député français Blanc, Victor Schoelcher (1804-1895), consacré « abolitionniste national et libérateur des Noirs » en raison de quelques discours prononcés à l’assemblée nationale. L’histoire des Antilles est pourtant riche de résistances et révoltes anti-esclavagistes menées par des hommes autant que par des femmes (ex. la Nègresse Solitude). Les acteurs majeurs de ces luttes étaient tous Noirs sur le terrain. Par ailleurs, le véritable résultat tangible de l’activisme de Schoelcher sera l’indemnisation des seuls esclavagistes, laissant les esclaves affranchis livrés à eux-mêmes. De plus, sa promotion quasi-exclusive dans le champ mémoriel au détriment des libérateurs Noirs phagocyte régulièrement les commémorations instaurées en France ces dernières années[xxiii].

En l’espèce, l’abolitionisme Blanc du 19e siècle n’était qu’opportunisme et mystification: l’économie esclavagiste, qui avait propulsé la prospérité du Monde Blanc, était en fin de course, non-attractive. Se profilait à l’horizon, en Afrique, une exploitation coloniale bien plus lucrative, avec les mêmes ingrédients (le travail forcé) et un prétexte plus exaltant (la « mission civilisatrice ») pour la bonne conscience.

Aujourd’hui, c’est sur le front humanitaire que s’exprime le suprématisme Blanc volant la vedette aux Héros Noirs invisibilisés par leur anonymisation bien entretenus par les médias mainstream. On se rappelle du ministre français Bernard Kouchner et son sac de riz débarquant sur une plage de Somalie sous les flashes de photographes invités pour l’occasion. Une mise en scène pour promouvoir son action « Du riz pour la Somalie » lancée en décembre 1992 et ayant mobilisé en France jusque dans les écoles. L’image du héros humanitaire est restée gravée dans beaucoup de mémoires, mais la réalité des Somaliens confrontés à la famine s’est depuis estompée.

En fait, une pratique favorisant ces travers peu respectueux de la dignité humaine s’est considérablement développée au sein des organisations internationales (HCR, Unicef, etc.) oeuvrant en faveur de réfugiés et autres damnés de la terre. Elle consiste à désigner des « ambassadeurs de bonne volonté » qui deviennent vite, par leur célébrité, un bon capital pouvant être investi dans des actions de récolte de fonds. Certes, tout le monde semble gagnant : l’organisation qui engrange de fonds importants, les victimes qui sont secourus et la célébrité du Star-system qui s’achète à bon compte une conscience immaculée. L’actrice Angelina Jolie, toujours de blanc vêtue dans les camps de réfugiés, comme une sainte, a ainsi fait décuplé sa célébrité au point d’être désormais reçue, traitée et écoutée comme une cheffe d’Etat dans les pays visités et au sein des organisations qui les engagent[xxiv]. Par sa paupérisation générée par les entreprises esclavagistes et coloniales, l’Afrique offre le plus d’opportunités à la fabrique d’héros et héroïnes qu’est devenue l’humanitaire international.

La précocité de l’« engagement » humanitaire est du reste de plus en plus institutionnalisée. En effet, dans les pays occidentaux, c’est de plus en plus tôt que les enfants sont éduqués à la posture humanitaire. Investies par les organisations humanitaires (ex. Terre des Hommes et ses « courses d’école »), les écoles sont devenues des hauts lieux de propagation d’une idéologie humanitaire au service du suprématisme Blanc. Les actions qui y sont menées visent, comme les adultes, à figer également les enfants dans la même posture suprématiste de leurs parents ou pire à culpabiliser parents et enfants qui s’opposent à ces actions. Or, ne dit-on pas que la main qui donne est au-dessus de celle qui reçoit ? Que retiendra-t-il d’autre l’élève européen ayant récolté ses 5 euros pour aider à construire une école à Haïti ou au Togo ? Une fois adulte, comment regardera-t-il les Togolais ou les Haïtiens qui auront étudié grâce à lui? On apprend ainsi aux enfants une funeste charité et non la solidarité qui comporte une meilleure connaissance de l’autre et des raisons réelles de sa paupérisation et non de sa pauvreté.

Un racisme marqué par le renouvellement mythomaniaque et inépuisable du narratif raciste sur les Noirs

Jamais racisme n’a connu un renouvellement aussi constant du narratif lui est consacré que celui qui marque le racisme anti-Noir et les mythes qu’il véhicule. En effet, la figure du Pervers narcissique et manipulateur érigé par le Système raciste a une propension à la falsification, afin de parvenir plus facilement à ses fins. Sa mythomanie a ainsi tendance à se renouveler sans fin. Car, sinon, ses constructions s’effondreraient. C’est pourquoi, le mythe fondateur de la Malédiction des Noirs vont enfanter d’autres mythes qui, sans se substituer aux précédents, vont s’y rajouter, en variations sur le même mode. Créés et diffusés principalement par l’Occident, ces mythes visent à donner force à une idéologie correspondante - également renouvelée sans cesse - destinée à justifier la perpétuation du multiforme processus de dépossession et d’annihilation des Noirs. Avec des accélérations depuis les « indépendances » africaines.

Le mythe « Noir = un être sans âme, une bête de somme » (16e S.) a justifié l’idéologie esclavagiste et négrière utile pour vider en bonne conscience l’Afrique de sa population afin de servir de main-d’œuvre corvéable à merci pour développer d’autres continents (Amériques, Europe et Monde arabe). Le commerce triangulaire qui en résultera marquera la première mondialisation.

Le mythe « homme Noir = être sauvage et primitif » (19e S.) va justifier l’idéologie coloniale d’infériorisation et d’exploitation, avec ses zoos humains divertissant les populations européennes, ses génocides physiques (Herero et Nama en Namibie, Congo sous le règne du roi des Belges Léopold II, etc.) et même culturel (à travers une « mission civilisatrice » encore plus dévastatrice. L’approvisionnement mondial en matières premières africaines amorcera la deuxième mondialisation.

Le mythe « Afrique = Continent en retard » (années 1960-70) va justifier l’idéologie et les politiques de (sous et mal-) développement conçues au Nord afin de maintenir les structures coloniales extraverties, grâce aux PAS (Programmes d’ajustement structurel) imposés par la Banque Mondiale et le FMI. Cette idéologie a servi à justifier de coûteux et vastes programmes d’« aide au développement » qui ont plongé l’Afrique dans les abysses d’une dette colossale destinée, non pas à «aider», mais à lier et enchaîner uniquement. Elle va restreindre encore davantage l’appropriation africaine sur des richesses ainsi hypothéquées par la dette. Avec également pour résultat un génocide social dévastateur : clochardisation généralisée, atomisation des solidarités, degré zéro de l’éducation, de la santé, etc.

Le mythe « Afrique = Continent surpeuplé » (années 1980 et 2000), alors que le continent reste sous-peuplé et en mesure de nourrir sa population, de par ses énormes richesses, va justifier l’idéologie et des pratiques dénatalistes traduisant des peurs face à une population mondiale de moins en moins Blanche et de plus en plus Noire, conduisant sourdement vers une croissance zéro des populations Noires, vers un génocide démographique.

Le mythe « Afrique = continent pauvre et en voie de disparition » (à partir des années 80), suite à des guerres civiles, des famines, des épidémies (SIDA, Ebola), va justifier une idéologie humanitaire reconnaissant un « droit d’ingérence » à géométrie variable, bien loin du « devoir » d’ingérence humanitaire (en cas de catastrophes, génocide, etc.). Cette idéologie a mené à un génocide moral: mentalité d’assisté, disparition de valeurs majeures comme la dignité, le respect de la vie, etc.

Le mythe « Afrique = continent de la mal gouvernance et de la corruption » (depuis les années 2000), va justifier l’actuelle idéologie recolonisatrice visant à replacer l’Afrique sous un nouveau joug (la « communauté internationale »: ONU, UE, CPI, etc.) ou à réagir à des velléités libératrices ou revendicatrices (ex. Centrafrique, RDC, Côte d’Ivoire, Mali, etc.). Cette idéologie pourrait mener à un nouveau génocide politique et économique: désappropriation définitive des Africains, voire disparition programmée d’un « peuple maudit sur une terre bénie » ou l’apocalyptique fantasme inavoué de « l’Afrique sans les Africains »[xxv].

L’auto-racisme anti-Noir pour corollaire et comme stade suprême

Le triomphe du racisme, c’est lorsqu’il est porté par la victime. Le phénomène de détestation de soi inoculé au Noir par l’idéologie raciste et ses divers vecteurs (l’école idéologique coloniale autant que l’école non-idéologique post-coloniale, le cinéma, la littérature, etc.), a fini par prendre racine dans les tréfonds de la victime. Portant gravement atteinte à son identité, il ira jusqu’à anéantir sa capacité d’auto-attribution de valeur. Pour l’historien Burkinabè Joseph Ki-Zerbo[xxvi], depuis que « (…) l’histoire des Nègres leur a été brutalement confisquée », cette prérogative est devenue exogène et non endogène. Par l’effet conjugué de l’islamisation, de l’évangélisation et de la colonisation, avec les pratiques qu’elle va véhiculer, l’identité du Noir est ainsi devenue un « prêt-à-porter » importé d’Occident ou d’Orient. Il s’agit là d’un retournement total par rapport à ce qui a préexisté. Car, selon le même Ki-Zerbo, « l’Afrique a physiquement, biologiquement, intellectuellement et spirituellement, enfanté le monde ». Cette Afrique se trouve aujourd’hui déboussolée, prise dans un leurre identitaire dont la prégnance sur les schèmes mentaux reste tenace, inextirpable.

Au sortir de la colonisation, la « mission civilisatrice » avait atteint au moins un but. Celui d’avoir réussi la transition de la colonisation mentale à l’auto-colonisation mentale. Les missionnaires s’étaient démultipliés et presque chaque Africain logeait désormais confortablement dans ses schèmes mentaux un petit Blanc raciste et suprématiste, prêt à faire blocage contre toute velléité émancipatrice. Car, en dépit de fortes résistances vite réprimées, le Noir est généralement devenu un être dominé convaincu de son infériorité. Aliéné, ce « Peau noire Masque blanc »[xxvii], appelé également Bounty, va diriger le racisme anti-Noir contre lui-même ou un autre Noir. A l’exemple de l’écrivain ivoirien Ahmadou Kourouma: « Nous, les Noirs, avons été mal fabriqués: il faut nous chicoter au rythme des tam-tams pour nous faire bien travailler. C’est à se demander si Allah ne nous a pas créés par dérision. Ces dernières réflexions ne sont pas des dires du Blanc ; elles sont mes propres exégèses »[xxviii]

Mais l’auto-dénigrement ou l’auto-détestation vont se traduire plus concrètement par une perte totale d'estime et d'affirmation de soi ainsi que par un phénomène d’appropriation de la Blanchitude qui va conduire le Noir à prolonger l’échelle de la hiérarchie des races. Il ne va ainsi s’attribuer une valeur que selon sa proximité avec le Blanc, à travers les nuances de la couleur de sa peau, le degré d’appropriation de sa culture, de ses savoirs, de ses postures, etc.

Ce sentiment de frustration ou de mal-être Noir par impossibilité de ne pas être Blanc n’est pas si nouveau que cela et remonte loin dans le temps, dès l’apparition de sociétés à la fois cosmopolites et racistes, brassant Blancs et Noirs. C’est ce qui semble être douloureusement ressentie dans ce passage célèbre du texte biblique, Cantique des Cantiques, laissant transparaître une lamentation: « Je suis noire, mais je suis belle, filles de Jérusalem, (…) Ne prenez pas garde à mon teint basané : c’est le soleil qui m’a brûlée »[xxix]

Dans les sociétés arabes pré-islamiques et islamiques, ces frustrations d’être Noir et cette volonté d’auto-détestation sont très palpables auprès des poètes Noirs présents à la cour de califes. A l’exemple d’Antar ou Antara (5e siècle), un des plus grands poètes de la littérature arabe: « Les ennemis m’injuriaient à cause de ma peau noire, mais la blancheur immaculée de mon caractère efface toute noirceur »[xxx]. Ou encore Nusayb Al-Asghar, mort en 791, qui n’arrivait pas à marier ses filles: « Ma couleur a déteint sur elles et elles me restent sur les bras. Pour elles je ne veux pas de maris Noirs et les Blancs n’en veulent pas »[xxxi].

Perspectives

Si pour les sociétés occidentales ou arabo-musulmanes le défi de la lutte contre le racisme, est plus que jamais d’actualité, pour les sociétés et communautés d’ascendance africaine c’est l’auto-racisme anti-Noir qui demeure central. Mais, souvent ignoré ou occulté par les Noirs, l’auto-racisme anti-Noir ne met pas seulement à nu un ennemi intime qui rend difficile l’impératif de déconstruction. Il rend aussi illusoire la repersonnalisation du Noir, son recours à l’authenticité, à l’ancestrale philosophie de l’Ubuntu (enseignée à l’UPAF) avec son crédo humaniste « je suis parce que tu es » vs. postulat anti-Ubuntu et génocidaire « Je suis parce que tu n’es pas ».

L’auto-réparation est sans doute une voie à la portée de tous, sans renoncer à l’exigence de réparations de la part des auteurs du double Holocauste Noir. Elle consiste principalement en un processus d’auto-décolonisation mentale que chaque Noir devrait mener dans son champ personnel. Le Noir à la mentalité de petit-colonisé (fier quand il ressemble au maître et honteux de son africanité) devrait s’engager à se débarrasser individuellement de toutes ces postures qui l’empêchent d’affirmer sa dignité pleinement.

L’auto-réparation, c’est aussi travailler à la réappropriation, à la réhabilitation et à la promotion de son identité totale individuellement. La question du nom reste ici centrale, incontournable. C’est une question de dignité et de crédibilité! Comment peut-on en faire preuve en continuant à arborer des éléments emblématiques de sa dépersonnalisation, à savoir les noms et/ou prénoms (arabes ou européens) que le nouveau maître a fait adopter au Noir avant tout parce qu’il jugeait détestables ceux de ses Ancêtres? La réappropriation identitaire passe inévitablement par ce réajustement ou actualisation de l’identité première qu’est le nom. Il est évident que si, un jour Mandela avait déclaré qu’il se débarrassait de son prénom Nelson reçu de manière infâmante[xxxii], l’impact sur les communautés Noires à travers le monde aurait été considérable.

Outre les noms, cette dynamique devrait également viser les langues et l’ensemble du patrimoine culturel que les Africains ont tendance à gommer en eux. Cette dérive a été jusqu’à générer des auto-génocides, notamment physiques, au Burundi (génocide des Hutu par des Tutsi, 1972) et au Rwanda (génocide des Tutsi par des Hutu, 1994)[xxxiii]. Il s’agit là du stade suprême de l’auto-racisme anti-Noir, suite à l’ensauvagement du Noir par le système colonial. Cela relève même de la psychiatrie. Comme aime le rappeler l’essayiste panafricain Bwemba Bong, « l’Afrique est le plus grand centre psychiatrique à ciel ouvert du monde »[xxxiv].

Une autre piste stratégique consiste à s’ouvrir à une approche inclusive visant la reconnaissance d’une Mémoire suisse commune et partagée. De Saint Maurice le Nubien à l’athlète Mujinga Kambundji d’origine congolaise, en passant par les négriers helvètes de Surinam ou la colonie suisse du Cap d’où le tennisman Roger Federer est issu par sa mère, ce sont autant de personnes liées profondément à l’Afrique et à l’histoire de la Suisse. Elles constituent aussi sa mémoire. Pour les jeunes Suisses d’origine africaine, des telles traces peuvent constituer un fort levier pour renforcer leur sentiment d’appartenance à la Suisse. Le Projet des Routes de la Mémoire Noire commune initié par l’UPAF avec le CRAN, dans le cadre de la Décennie de l’ONU consacrée aux Personnes d’ascendance africaine (2015-2024), va dans ce sens.

L’exploration de nouvelles voies vers le post-racisme anti-Noir devrait aussi nous mener à cette idée simple sortie de l’imagination prodigieuse de l’écrivain et artiste suisse Friedrich Dürrenmatt[xxxv]. Une année avant sa mort (1990) il s’est penché sur la tragédie de l’Apartheid, avant de proposer une solution logiquement naturelle, à partir de ce constat que nous lui prêtons: les Blancs racistes ayant instauré ce régime sont en réalité des personnes d’ascendance africaine ayant migré vers l’Europe il y a 50 000 ans et qui, revenus transformés morphologiquement et accueillis comme des Bantu (êtres humains), selon l’humanisme Ubuntu, se comportent inhumainement avec leurs hôtes, à présent dominés. Et Dürrenmatt d’imaginer alors un virus qui provoque une épidémie ne frappant que les Blancs et qui les transforme en … Noirs! A tous les niveaux. La pagaille est telle que les autorités, devenues elles aussi Noires, ne peuvent que proclamer la fin de l’Apartheid ! La fin du racisme anti-Noir passerait-elle par là aussi?

Vers le Wakanda, futur d’un Passé africain sans racisme?

Des perspectives encore plus afrocentrées sont sans doute celles que dessine le Wakanda, ce royaume mythique qu’a fait surgir l’extraordinaire film Black Panther. Cette fiction réalisée par de Noirs quasi-exclusivement, a réussi à dégager plusieurs traits de cet éblouissant ce royaume:

  • Une Nation de bonne-gouvernance, empreinte de fière dignité, soucieuse d’épanouissement social et ancrée dans l’Ubuntu, dans des traditions authentiques et panafricanistes;
  • Une Nation technologiquement très en avance sur son temps, comme l’a démontré l’Afrique conceptrice des premières formes géométriques (dans les grottes de Blombos, Afrique du Sud, il y a 80 000 ans), de l’Os d’Ishango (première calculette de l’humanité découverte en RDC il y a 25 000 ans), des premières métallurgies du cuivre (en Afrique centrale, il y a environ 2500 ans av. J-C) et du fer (en Afrique de l’Ouest particulièrement, env. 2000 ans av. J-C), ou encore cette Afrique égyptienne, monumentale première civilisation;
  • Une Nation sans aucune dépendance extérieure, entièrement autonome et forte de ses multiples et efficaces savoirs endogènes, à l’exemple de la plante magique Bwiti dont les vertus thérapeutiques stupéfient nombre de scientifiques aujourd’hui;
  • Une Nation féministe qui rappelle ces Femmes meneuses d’hommes: Hatchepsout la reine-pharaonne d’Egypte (2e millénaire), la dynastie des reines Kandake de Meroe (Ethiopie et Soudan actuels), la reine Nzinga de Ngola (Angola et Congo actuels), les Guerrières Minos (Dahomey/Bénin, 18e-19e s.), les reines Amina des Haoussa (Nigéria), Pokou des Baoulé (Côte d’Ivoire), Yenenga des Mosi (Burkina Faso), etc.
  • Une Nation pacifiste et appliquant une éthique et une spiritualité rigoureuses sans être castratrices, mais également dotée d’une forte capacité de dissuasion militaire, un trait qui a dramatiquement manqué à l’Afrique précoloniale, précipitant son effondrement face à des envahisseurs très avancés dans l’art et l’esprit de tuer;
  • Une Nation vitrine de l’Esthétique africaine telle qu’elle mettait en valeur femmes et hommes africains à travers le continent, avant que les costumes, coiffures et autres esthétiques européennes ou arabes ne viennent imposer leur doxa.
  • Etc.

Représentation sans doute du futur du passé africain, le Wakanda a aiguillonné les appétits mémoriels des nouvelles générations Kamites, en grande quête de modèles positifs stimulants et qui aspirent à une Renaissance africaine à l’image de ces multiples facettes d’une Afrique décomplexée, préservée et atomisant toute forme de racisme. Cette Afrique a été révélée dès les années 1950 par la figure scientifique la plus célébrée par jeunes et vieux dans le Monde Noir, le Sénégalais Cheikh Anta Diop[xxxvi]. La première étape de cette Renaissance semble déjà accomplie, d’après Ta-Nehisi Coates:

« Ils ont fait de nous une race, nous avons fait de nous-mêmes un peuple »[xxxvii]


[i] Ta-Nehisi Coates, Une Colère Noire. Lettre à mon fils, Editions Autrement, 2016, p. 139

[ii] Nous utilisons systématiquement le mot Noir (et Blanc) en majuscule, aussi bien comme substantif que comme qualificatif, afin de marquer une nette différence entre ce qui relève strictement de la couleur noire des objets ou faits, avec ce qui est rattaché au Noir comme individu, selon les recommandations du CRAN (Carrefour de réflexion et d’action contre le racisme anti-Noir), organisation pionnière en Suisse (2000) dans la lutte contre le racisme anti-Noir dans sa spécificité.

[iii] Entre 2001 et 2021, l’Observatoire du CRAN sur le racisme anti-Noir en Suisse, et que nous dirigeons, a comptabilisé onze morts imputables à la police, dont quatre dans le seul canton de Vaud.

[iv] Ce concept développé par nous a été accueilli favorablement par plusieurs camps politiques, de la gauche à la droite, avec leurs extrêmes, lors d’un débat et ses suites à Neuchâtel. Voir Le Courrier, 5.07.2020 ; et Le Temps, 22.07.2020

[v] Deux publications à la fois fondamentales et spécifiques : « Racisme anti-Noir et Enjeux Noirs à Durban», No spécial, Regards Africains (Genève), No 46/47, été 2002 ; et Racisme anti-Noir, Actes de la 1re Conférence européenne sur le racisme anti-Noir (Genève, juin 2006), édité par le CRAN, 2008, 293 p.

[vi] Voir Philippe Lavodrama, « Archéologie du racisme anti-Noir : Cham, le maudit de la Bible, Victime première et unanime », in Regards Africains No 46/47, été 2002

[vii] C’est grâce à cette épouse que Moïse aurait été capable de décoder la parole de Dieu (les Dix Commandements) avant de la transmettre au peuple juif. Voir le roman historique de Marek Halter, Tsippora, éd. Robert Laffont, 2003

[viii] Voir Doumbi Fakoly, L'origine biblique du racisme anti-noir, Ed. Menaibuc, 2005

[ix] Voir Doumbi Fakoly, Bilal, le Prophète, éd. Meinabuc, 2004

[x] Arthur de Gobineau, Essai sur l’inégalité des races humaines, 1853 ; Friedrich Hegel, La raison dans l’histoire, Paris, Plon, 1965 ; Benoît Okolo Okanda, Hegel et l’Afrique, Paris, Le Cercle Herméneutique, 2010

[xi] 20 Minutes, 13.10.2017

[xii] Louise-Marie Diop-Maes, Afrique Noire, démographie, sol et histoire, éd. Khepera & Présence africaine, 1996, 387 p.

[xiii] Rosa-Amelia Plumelle-Uribe, La férocité blanche, Des non-Blancs aux non-aryens. Génocides occultés de 1492 à nos jours, Albin Michel, 2001, 304 p.

[xiv] Voir Adam Hochschild, Les fantômes du Roi Léopold, un Holocauste oublié, Belfond, 1998

[xv] Conférence mondiale contre le racisme, la discrimiation raciale, la xénophobie et l’intolérance qui y est associée, Déclaration et Programme d’action, Nations Unies, 2002, paragraphe 13

[xvi] J.H. Griffin, Dans la peau d’un Noir, Gallimard, 1962. Voir aussi Gunter Wallraff, dans le documentaire Noir sur blanc - Voyage en Allemagne, de Pagonis Pagonakis et Susanne Jäger, 2010

[xvii] J.H. Griffin, p. 180

[xviii] Juliette Smeralda, «L’utilisation de l’image du Noir dans l’espace médiatique européen», in Racisme anti-Noir, pp 134-167

[xix] Voir L’Equipe, 14.05.2019

[xx] Voir Bassidiki Coulibaly, Du crime d’être Noir. Un milliard de Noirs dans une prison identitaire, éd. Homnisphères

[xxi] Marie-France Hirigoyen, Le Harcèlement Moral. la violence perverse au quotidien, Éditions La Découverte & Syros et Pocket, 1998, p. 126

[xxii] Voir Libération, 25.03.2010.

[xxiii] La destruction des statues est intervenue un jour éminemment symbolique. C’est l’anniversaire d’une révolte provoquée par l’inapplication du décret d’abolition (24.04.1848) et qui débouchera sur l’abolition le 22 mai 1848. Les acteurs majeurs de ces évènements sont Noirs à l’exemple du déclencheur de cette énième révolte de Noirs esclavagisés, le joueur de tam-tam Romain.

[xxiv] Voir dans Le Temps du 25.03.2016, « L’humanitaire bling bling ou le juste choix »

[xxv] Voir Stephen Smith, Négrologie : Pourquoi l’Afrique meurt, Calman-Levy, 2003. Plusieurs réponses ont été apportées à cette imposture, notamment par Boubacar Boris Diop, Odile Tobner et François-Xavier Verschave, Négrophobie. Réponse aux « négrologues », journalistes françafricains et autres falsificateurs de l’information, éd. les arènes, 2005, 200 p.

[xxvi] Joseph Ki-Zerbo, À quand l’Afrique ? Entretien avec René Holenstein, coéd. Éditions d’en bas (Suisse) et éd. diverses, 2003

[xxvii] Voir Frantz Fanon, Peau noire masque blanc,

[xxviii] Ahmadou Kourouma, Monnè, outrages et défis, Paris, Seuil, 1990, p. 66

[xxix] Ca., 5-6

[xxx] Antara, in Diwan. repris de Bernard Lewis, Race et couleurs en Islam, Payot, 1982.

[xxxi] In Aghani, I. Cité in ibid.

[xxxii] Le premier jour de sa scolarité, l’administration coloniale rejeta ses prénoms traditionnels (Rolihlahla Dalibhunga Madiba) et imposa Nelson à Mandela, fils de chef , en hommage à un autre chef, l’amiral anglais héros de Trafalgar. Voir N. Mandela, Un long chemin vers la liberté. Autobiographie, Poche, 2008

[xxxiii] Le génocide des Tutsi n’est plus le seul reconnu officiellement. Celui des Hutu a été reconnu comme tel récemment par la Commission Vérité & Réconciliation du Burundi (Voir presse du 20.12.2021).

[xxxiv] Bwemba Bong, Quand l’Africain était l’or noir de l’Europe. Démontage des mensonges et de la falsification de l’histoire de l’hydre des razzias négrières transatlantiques, éd. Dagan, 2014

[xxxv] Voir à ce sujet Friedrich Dürrematt, L’Epidémie virale en Afrique du Sud (bilingue fr-all), Cahier du CDN No 28, 2021, 63 p. Illustrations de Maurice Mboa. En partenariat avec l’UPAF, pour qui ce petit livre est devenu un outil pédagogique pour sensibiliser auprès des jeunes élèves notamment aux préjugés et à la discrimination.

[xxxvi] Egyptologue multidisciplinaire combattu sans succès par les milieux académiques français, le sénégalais Cheikh Anta Diop est l’objet d’un véritable culte dans le Monde Noir. Voir notamment : Nations nègres et cultures, Présence Africaine, 1954 ; L’unité culturelle de l’Afrique Noire, Présence Africaine, 1959 ; etc.

[xxxvii] Ta-Nehisi Coates, op.cit., p. 191